Investir dans l’infrastructure de câbles sous-marins peut améliorer la résilience d’Internet en Afrique
L’hébergement local des données, la sensibilisation des organismes de réglementation et des décideurs politiques à l’importance de la connectivité transnationale et l’investissement dans l’infrastructure d’Internet font partie des solutions avancées pour améliorer la fiabilité et la résilience d’Internet en Afrique en cas d’endommagement de câbles, lors de la récente séance des séries de peering virtuels – Afrique.
Cette session, qui s’est tenue le 1er décembre 2020, avait pour thème l’impact des coupures de cables sous-marins en afrique et avait discuté sur les moyens de détecter et de réparer les endommagements des câbles sous-marins.
En janvier et en avril 2020, des câbles du West African Cable System (WACS) et du réseau de câbles sous-marins South Atlantic Telecommunications cable no.3 (SAT3) ont été endommagés, ce qui a entraîné une dégradation du service, voire des coupures totales dans certaines zones d’Afrique de l’ouest et du sud. L’impact s’est fait ressentir dans toute la région, car le transit a été redirigé vers d’autres réseaux sous-marins de la côte est. Des pluies abondantes dans la région du Congo ont donné naissance à de forts courants sur le fleuve Congo, et à la destruction du câble WACS.
La séance a été inaugurée par une présentation par un expert, qui visait à faire mieux comprendre ce qui se passe lorsqu’un câble est endommagé, et pourquoi la localisation du défaut et la restauration du service prend un mois, voire plus. Clementino Fernando, ingénieur en télécommunications chez Angola Cables, a présenté aux participants le processus de localisation et de réparation des défauts.
Il est rare que les câbles soient endommagés en haute mer. Les entreprises prévoient un à deux endommagements par an, et ceux-ci se produisent rarement. La plupart du temps, les problèmes concernent le réseau de fibre sur terre et en eau peu profonde, du fait du corail, des pierres et de l’ancrage de bateaux. Des opérateurs de câbles sous-marins ont investi dans des systèmes de surveillance des navires, qui signalent les itinéraires des navires afin d’éviter que ceux-ci ne jettent pas l’ancre à proximité des câbles. Lorsqu’un câble est endommagé, les réparations coûtent 2 millions de dollars, parfois même plus, à l’entreprise qui l’exploite, en fonction des conditions météorologiques en haute mer. Ce processus peut prendre un à deux mois.
Lorsqu’un système de câble ne fonctionne plus, le trafic sur le réseau doit être redirigé vers les autres câbles, grâce à des commandes planifiées à l’avance ou à des demandes en urgence, ce qui peut être difficile à mettre en place, car cela arrive rarement.
La présentation a été suivie d’une table ronde, au cours de laquelle des experts ont apporté davantage d’informations sur les manières de gérer l’endommagement de câbles sous-marins. Durant ces échanges, Ben Roberts, directeur de la Technologie chez Liquid Telecom, a expliqué que, en cas d’endommagement de câble, la majorité du trafic du sud de l’Afrique était redirigé vers l’Afrique de l’est, car Liquid dispose de quatre câbles sous-marins redondants. Liquid a également obtenu plus de clients, qui ont signé des contrats à court terme pour tirer parti de cette capacité excédentaire.
Selon TeleGeography, la redondance est une approche précautionneuse des entreprises de câble, qui leur permet de répartir la capacité de leurs réseaux sur plusieurs câbles afin de s’assurer de l’absence de perturbations en cas d’incident. Lorsqu’une ligne est endommagée, elles sont en mesure de rediriger le trafic vers une autre ligne, tandis qu’elles œuvrent à la réparation de la ligne endommagée. Liquid Telecom a des redondances sur quatre lignes de câbles. Pour parvenir à ce niveau, elle a obtenu plus de clients, qui ont signé des contrats pour la capacité à court terme.
Mark Tinka, directeur de l’ingénierie IP chez Seacom, a expliqué que des endommagements de câble étaient inéluctables, et pouvaient toucher tous les opérateurs. Lorsqu’ils se produisent, les ingénieurs des divers opérateurs collaborent pour trouver des solutions d’urgence afin de minimiser le temps d’arrêt, même si cela n’est pas toujours facile, car certains opérateurs de câble en consortium doivent consulter tous leurs membres avant de prendre des mesures d’urgence.
Durant la coupure, la République démocratique du Congo a subi une forte latence, car le trafic était redirigé vers l’Angola, le Brésil et les États-Unis avant de revenir. Mohamed Ibrahim, qui travaille pour United SA en RDC, a déclaré que certains des clients avaient été touchés alors qu’ils cherchaient des alternatives au WACS.
La plupart des infrastructures de réseau terrestres en RDC se sont dégradées au fil des années, ce qui a augmenté la latence et les coupures de service durant cette période.
Les discussions ont insisté sur l’importance de l’investissement dans plus d’infrastructures afin de réduire les effets des endommagements de câbles, en hébergeant les données au niveau local, de la sensibilisation des organismes de réglementation et des décideurs politiques à l’importance de l’interconnectivité transfrontalière et sur le fait que celle-ci améliorait la fiabilité et la résilience de l’infrastructure d’Internet.
Les discussions ont également été marquées par une présentation de TeleGeography, qui a exposé l’histoire du développement de la capacité d’Internet en Afrique. Il existe actuellement 64 systèmes de câble actifs en Afrique. Parmi eux, 36 relient l’Afrique à l’Europe, et 14 sont intra-africains. Parmi les 36 systèmes connectés à l’Europe, 21 sont d’Afrique du Nord, et 15 d’Afrique sub-saharienne.
En ce qui concerne les stations d’arrivée, l’Afrique compte 32 pays ayant une ouverture sur la mer. Le Ghana, le Kenya, le Nigéria et l’Afrique du Sud disposent chacun de 5 à 6 stations d’arrivée, mais avec un nombre restreint de câbles reliant directement l’Afrique du Sud à l’Europe. Pour l’instant, il n’en existe que deux à chaque extrémité.
Cela signifie, comme l’ont démontré les endommagements de câbles, que les itinéraires existants ne sont pas très résilients, du fait du manque de redondance et de diversité des itinéraires.
Dans l’ensemble, les experts s’accordent à dire que l’investissement continu dans les centres de données, les caches mondiaux et les réseaux de 4G, de 5G et de fibre terrestre a amélioré la performance d’Internet, et que les coupures ne sont plus aussi violentes que dix ans plus tôt.
Ces investissements dans l’infrastructure doivent continuer si le continent désire développer un écosystème Internet robuste et résilient.