Franchise vs Homegrown IXPs #2 – Rapport de synthèse de l’évènement

Alors que la connectivité à large bande s’étend au prochain milliard d’utilisateurs, la croissance des réseaux locaux est devenue une caractéristique principale sur de nombreux marchés à travers le monde.

L’une des questions clés que se posent les opérateurs et les fournisseurs de services est de savoir s’il est judicieux de mettre en place un autre point d’échange Internet (IXP) en dehors de la principale capitale ou des villes d’affaires qui hébergent et desservent traditionnellement la majeure partie des fournisseurs de services Internet (FAI).

C’était l’un des principaux sujets de la récente session virtuelle sur le peering, organisée pour la deuxième fois cette année et ayant porté sur les avantages et les inconvénients de la franchise par rapport aux modèles IXP locaux. Les panélistes de cette session étaient notamment Donald Jolley, bénévole auprès du point d’échange Internet de Durban (Durban IX), Julio Sirota, responsable de l’infrastructure chez le point d’échange Internet du Brazil (IX.br), Nurani Nimpuno, responsable de l’engagement mondial, du point d’échange Internet de Londre (LINX), et Patrick Gilmore, fondateur du point d’échange Internet de la Caroline du Nord (NC-IX).

Nurani Nimpuno, qui a lancé la session, a expliqué que la première partie du déploiement d’un IXP consistait à évaluer son objectif en posant des questions suivantes : est-il judicieux d’en créer un autre, doit-il suivre le même modèle, et les rôles du nouveau IXP sont-ils les mêmes ?

L’objectif des IXP est d’améliorer la connexion et si les propriétaires de l’écosystème pensent qu’un ajout améliorerait la connexion locale sur le marché proposé, alors cela vaut la peine de le faire.

La durabilité est un facteur de réussite important pour tout IXP. Cela signifie qu’il doit être financièrement viable pour couvrir ses coûts, y compris les opérations, le matériel, la gestion, le personnel et les autres ressources.

Il est également nécessaire de développer une stratégie à long terme garantissant que l’IXP ne manque pas d’argent à terme.

Cependant, quel que soit le modèle utilisé, l’IXP doit servir ses participants et en avoir suffisamment pour que cela ait un sens. Un écosystème IXP réussi nécessite également un mélange de participants comprenant à la fois des fournisseurs d’accès locaux et du trafic international, créant ainsi un ensemble diversifié de réseaux.

L’IXP doit également offrir une série d’avantages aux participants, notamment des coûts réduits, une meilleure interconnexion, une faible latence, de meilleures vitesses et des interconnexions plus diversifiées.

Qu’il s’agisse du premier IXP de la région ou d’un pays ou d’un tout nouveau IXP, il faut que ces avantages justifient sa mise en place.

Il est souvent facile de mesurer le niveau de succès d’un IXP par la quantité de trafic ou de participants, mais selon Nurani, c’est un peu une fausse prémisse car souvent les besoins des participants et la façon de les servir restent primordiaux, quel que soit le nombre de réseaux connectés.

Selon Patrick Gilmore, fondateur de NC-IX, il est nécessaire de mettre en place un IXP partout où il y a du trafic commercial et des avantages pour les communautés locales.

Cela est vrai même si des IXP plus importants existent à proximité, car la présence d’un petit IXP plus proche de la communauté permet aux participants de bénéficier des avantages de l’échange de trafic sans aller loin.

Selon Patrick, il y a de la place pour des dizaines ou des centaines d’IXP dans le monde, de sorte que les fournisseurs ne devraient pas nécessairement se tourner vers ce qu’on appelle aux États-Unis les villes de la National Football League (NFL). Au contraire, les petits et les grands acteurs apprécieront l’existence d’un point d’échange Internet local dans la communauté locale.

Julio Sirota head shot

Julio Sirota, directeur de l’infrastructure d’IX.br, a expliqué comment le coût élevé de l’interconnexion mondiale au Brésil dans les années 80 et 90 avait favorisé l’existence des premiers IXP. L’existence de points d’interconnection a provoqué le besoin de faire fonctionner l’Internet. 

IX.br bénéficie d’un certain soutien du Centre brésilien d’information sur les réseaux (NIC.br) pour ses dépenses d’investissement, ce qui contribue à renforcer la viabilité financière de l’écosystème. Des partenariats avec des centres de données, des entreprises de télécommunications, le gouvernement, etc., ont facilité l’établissement de l’IXP dans plusieurs villes du Brésil.

Le pays compte aujourd’hui 33 points d’échange Internet, allant de très grands comme IX.br à São Paulo, qui est l’un des plus grands au monde avec plus de 2 000 participants, à de tous petits points d’échange qui ont démarré il y a un an avec 15 à 20 participants.

M. Julio confie que son équipe continue de surveiller la manière dont les petits IXP vont se développer, en se concentrant sur les avantages qui en découleront pour les participants du réseau, en particulier ceux qui se trouvent en dehors des zones métropolitaines.

Le Brésil compte plus de 12 000 fournisseurs de services Internet, certains seraient informels et non enregistrés auprès du régulateur national. Il y a environ 9 000 numéros de système autonome (ASN) attribués à ces sociétés qui vendent Internet aux utilisateurs finaux qui recherchent du contenu et une connexion équilibrée.

Donald Jolley, un volontaire auprès de Durban IX, estime que la technologie est souvent la partie la plus facile de la construction d’un point d’échange. Le plus dur est de traiter avec les gens, d’amener les organisations, les FAI et les fournisseurs de contenu à se connecter à l’échange et à faire prendre conscience de son existence.

Lorsque Durban IX a été lancé, il y avait peu de réseaux connectés et beaucoup préféraient encore passer par Johannesburg et Cape Town. Donald dit qu’il a fallu du temps et des efforts, principalement à huis clos, pour encourager les gens à se connecter à l’IXP.

À mesure que le volume de trafic requis par les clients augmentait, il est devenu préférable de se connecter à un point d’échange plus proche. En 2016, le Durban IX est devenu le premier point d’échange multi-sites, s’ouvrant sur deux centres de données et les connectant entre eux dans le métro.

Aucun point d’échange n’est cependant un copier-coller d’un autre et les fournisseurs de services et les opérateurs doivent être conscients qu’il n’y a pas de taille unique adaptée à tout le monde. La croissance d’un IXP local apporte en outre des avantages à la communauté en termes de transfert de compétences, ce qui améliore l’écosystème global.

Un IXP rassemble une multitude de concurrents et de coopérateurs, ce qui signifie qu’il peut être difficile de créer une communauté et de la confiance pour les nouveaux marchés et emplacements. En effet, les opérateurs locaux pourraient ne pas vouloir offrir gratuitement quelque chose qui pourrait profiter à leur concurrent.

Nurani dit cependant que s’il est bien fait, un IXP peut devenir un catalyseur de changement et réaliser beaucoup d’autres choses.

En Europe, par exemple, où de nombreux IXP ont été lancés plus tôt, cela a conduit à un marché des centres de données florissant, à une concurrence accrue dans le domaine des IXP, à une baisse des coûts d’interconnexion et de transit se traduisant par des coûts inférieurs pour les utilisateurs finaux.

Au cours du sondage effectué pendant la session, les participants ont répondu à la question de savoir s’il y avait de nouveaux IXP établis ou émergents dans d’autres emplacements dans leur pays. Au total, 6 % ont répondu « non, mais nous y songeons», 10 % ont répondu « non et il n’y a aucun plan prévu à cet effet », tandis que 26 % ont répondu « je ne sais pas ».